• « Mademoiselle Hortense, venez-voir » !

    Devant l’insistance générale d’Anne-Sophie toute seule (non, c’est pas vrai hein), je me devais d’en dire un peu plus sur mon métier.  Ceux qui suivent nos aventures en Louisiane savent que je suis chercheur, mais ce que je fais précisément, peu le savent.  Il est vrai que dans la catégorie des boulots « qui ne servent à rien à part dépenser l’argent du contribuable », le métier de chercheur arrive en bonne position dans l’esprit des gens.  « Anne-Sophie, elle, au moins, elle sert à quelque chose » se disent d’ailleurs ces mêmes personnes. Alors en voilà un peu plus sur mon métier, ici en Louisiane.

    Je suis chercheur en Océanographie (vaste domaine) et plus particulièrement spécialiste des peuplements benthiques. Quesako ? J’étudie essentiellement les animaux qui vivent dans le sable ou la vase des mers ou des estuaires, ou sur les estrans rocheux.  J’identifie quelles espèces sont présentes et je regarde surtout qui vit avec qui et qui mange qui.  Pour être plus précis, je travaille actuellement sur un programme qui est financé par la branche du gouvernement américain qui s’occupe de l’exploitation des sols.  Au large de la Louisiane, dans le golfe du Mexique, se trouvent des bancs de sable (les shoals) que le gouvernement voudrait aspirer pour les remettre en partie sur la cote, en espérant la protéger de l’érosion croissante et de l’action des ouragans, très dommageable pour les cotes de Louisiane.  Oui mais voilà, on ne sait pas quelles espèces vivent sur ces bancs de sable et une loi oblige à faire une étude de l’impact qu’aurait un prélèvement massif de sable – on parle de milliards de mètres cubes de sable – sur les animaux qui vivent sur ces bancs de sable.  Après plusieurs missions en mer sur les sites en question pendant lesquelles on utilise des bennes métalliques que l’on fait plonger pour remonter du sable, je sépare, je compte et j’identifie toutes les espèces que l’on trouve dans ces sables.  L’objectif est de savoir si la biodiversité de ce milieu est forte (biodiversité … un mot que Nicolas Hulot sait manier à la perfection) et surtout de savoir si les espèces ou les associations d’espèces sont rares et sont potentiellement menacées par un prélèvement à grande échelle.  En effet, un prélèvement aurait pour but de diminuer la hauteur du banc – donc de changer toute la topographie du milieu – et de transporter à la cote des organismes qui inévitablement ne survivraient pas.  Il faut donc comprendre finalement le ou les rôle(s) de ces bancs dans l’écosystème.  Ces bancs jouent un rôle d’habitat pour des espèces qui viennent s’y protéger des prédateurs ou qui viennent y trouver plus d’oxygène que dans les environs très vaseux et beaucoup plus pauvres en oxygène.  Ces bancs jouent aussi un rôle de cantine pour certaines espèces comme le crabe bleu de Louisiane qui y trouve des coquillages et des vers en profusion.  Enfin ces bancs jouent un rôle dans la reproduction d’espèces qui viennent y pondre  ou dont les jeunes viennent s’y fixer.  Bref, je cherche à comprendre comment tout ce petit monde s’organise, et comment la chaine alimentaire fonctionne pour déterminer les conséquences d’un changement dans ces rouages biologiques.  Bien sur, je travaille avec des collègues qui ont d’autres spécialités, comme des physiciens qui modélisent l’action des vagues sur la coté et le rôle de ces bancs sur l’action des vagues, ou des collègues qui travaillent sur les microalgues et qui regardent si ces bancs, peu profond et qui ont donc plus de lumière, ne sont pas une zone ou les algues ne poussent pas mieux … Et puis il y a les étudiants, qui participent à cet effort de recherche et qui apprennent comment « chercher » et les « student-worker », des étudiants qui viennent faire un stage ou tout simplement préfèrent gagner de l’argent en triant des échantillons de bestioles plutôt que de cuire des ailes de poulet dans le restaurant du coin.

    J’ai l’habitude de dire que « je suis chercheur, pas trouveur », à la question « Mais, est-ce que tu trouves ? ».  Schématiquement, le métier de chercheur, c’est apporter des réponses à une question que l’on s’est posée au départ et en soulever d’autres.  Puis il faut trouver de l’argent pour répondre à ces nouvelles questions.  L’argent est bien sur plus facile à trouver quand il y a des implications industrielles – et donc de l’argent à gagner –  mais les implications écologiques commencent elles aussi à montrer que le cout pour l’humanité sera financièrement très élevé si l’on ne comprend pas tout le fonctionnement des écosystèmes que l’on s’acharne à exploiter.  Le golfe du Mexique est à ce titre un formidable terrain de jeu et j’essaye de contribuer, à ma manière, à la lutte contre l’exploitation des milieux par l’homme et son impact sur l’environnement.

    Voilà, j’espère vous avoir éclairé un peu sur ce que je fais ici en Louisiane, et ce que je fais en général.  Même si je passe beaucoup de temps sur un microscope et que je ne compte pas mes heures, je pense qu’on est loin du formidable sketch des Nuls que je ne résiste pas à vous remettre, histoire de rire encore de ces faignants qui « coutent chers et qui produisent rien » ! 

     


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    Lundi 17 Septembre 2007 à 04:25
    Alors tu l'as trouve toi la mouche qui pete... PRRRRRRRRRRRR !!!! Hahhahahahahahahahahaha....

    A+
    2
    Vendredi 21 Septembre 2007 à 06:36
    Pour etre passer de l'autre cote de la force, je pense que tu devrais ajouter quelque chose a la definition de ton boulot: tu es chercheur academique. Tu cherches a comprendre les choses pour pouvoir les expliquer et eventuellement les corriger ou aider ceux qui pourront les corriger.
    A ne pas confondre avec le chercheur-ingenieur qui cherche a comprendre les choses pour y trouver un avantage quelconque a developper.
    3
    marie
    Jeudi 29 Décembre 2011 à 22:53

    jolie "définition" de ton métier.....


    au plaisir de vous revoir très bientôt..... profitez bien de vos derniers instants!

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    4
    Mimi a Houston
    Jeudi 29 Décembre 2011 à 22:53
    Merci pour cette belle description, ca a l'air drolement interessant (enfin, la finalite. Quant aux heures sur le microscope, c'est la que la recherche devient un calvaire par moment !)
    5
    MissLes.......
    Jeudi 29 Décembre 2011 à 22:53

    C'est tres clair, merci de cette explication.


    A bientot

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :