• En discutant avec mes collègues du Codofil, nous avons constaté que les motivations de nos parents d’élèves à inscrire leurs enfants dans un programme de français étaient fort variées. A Bâton Rouge, ce choix des parents vient moins d’un attachement au français lui-même (lié à l’histoire familiale, à la présence de grand-parents parlant cajun ou créole par exemple) que d’un souhait d’inscrire leur enfant dans une bonne école. Pour tout vous dire, dans ma classe cette année, 2 élèves seulement ont des origines cajuns.

    J’ai voulu creuser un peu et comprendre pourquoi notre école était tant demandée par les parents et pourquoi des gens en apparence sans aucun lien avec la langue française, faisaient des pieds et des mains pour inscrire leur enfant à South Boulevard.

    Commençons d’abord par un aperçu des écoles de Bâton Rouge : en un mot, c’est la zone. Tout parent un peu renseigné fera tout pour éviter à son enfant d’avoir à suivre des cours dans certains collèges et lycées de la ville. Mais la carte scolaire existe aux Etats-Unis aussi. Si le lycée du quartier est une sorte d’Alcatraz, ou les élèves ne rentrent qu’après avoir passé le détecteur de métaux, et ou la police intervient 2 fois par semaine, on comprend que certains parents, dès l’entrée en maternelle de leur enfant feront tout pour la contourner.

    Il y a des moyens légaux et proposés par le schoolboard de faire suivre à son enfant une scolarité plus sereine (même si comme  je vous l’expliquerais plus loin, ce n’est plus la peur de la bagarre qui guidera l’enfant mais la peur des mauvaises notes).

    Ici, à Bâton Rouge, comme dans plusieurs villes des Etats-Unis, ont été créées des  « Magnet Schools », ou « Ecoles Aimant ». Ce sont des écoles qui proposent un programme spécial et recrutent donc des élèves attirés par le contenu des cours (le curriculum comme on dit ici). Il y a 6 écoles primaires, 3 collèges et 4 lycées proposant des programmes spéciaux allant du théâtre aux sciences en passant par les langues étrangères. Ce sont des écoles publiques, gratuites, qui acceptent les enfants sur application. Les parents doivent candidater, leurs enfants sont testés et s’ils passent l’épreuve, sont acceptés dans le programme pour a priori y rester jusqu'à la fin de leur scolarité. Les listes d’attente sont longues, les parents postulent dans plusieurs écoles dès les 5 ans de leur enfant. En effet, l’âge idéal pour postuler est celui de l’entrée en kindergarten, ces écoles acceptant rarement les enfants après le premier grade ou alors sur présentation d’un livret de notes en béton !

    Et oui, pour pouvoir rester dans une école Magnet, les élèves doivent maintenir, toutes matières confondues, une moyenne élevée stipulée dans un contrat signé par les familles. Ceux qui ne se maintiennent pas au niveau sont invités à retourner dans l’école de leur quartier ou a se diriger vers le privé ou les couts de la scolarité peuvent être exorbitants.

    En tant qu’enseignante, enseigner dans ce type d’école est un privilège : mes élèves sont très cultivés, beaucoup sont déjà lecteurs, les éventuels problèmes de discipline sont très vite résolus avec l’aide des parents qui ne veulent pas voir leur enfant exclu du programme. J’ai 23 élèves, en France je n’aurais jamais ce « confort » d’enseigner a une classe homogène avec si peu d’effectif et des parents investis. Cependant, imaginer la pression sur les épaules des petits et déjà déceler ceux de mes élèves qui ne resteront pas jusqu’au bout du programme me fait de la peine. A l’heure ou l’on parle de sélection a l’entrée en fac en France, ici cela se passe beaucoup plus tôt.

    Je finirais cet article sur le point de vue d’une des mamans de l’école sur la particularité des Magnet en Louisiane.

    Ici dans le sud des Etats-Unis, les Magnet Programs ont été créés dans des quartiers peu attractifs, souvent des quartiers pauvres et a majorité noire, afin d’y attirer des élèves blancs. Il y a donc en plus de la sélection classique, un système de quota qui rentre en jeu, pour maintenir un équilibre entre les populations noires et blanches des écoles. C’est ce qui est appelé ici la déségrégation. Cette maman est assez jeune mais est encore fascinée de voir les enfants noirs et blancs jouer ensemble dans la cour de recréation alors que cela était impensable quand elle-même était enfant et que cela n’arrive pas dans d’autres écoles classiques de la ville. Elle pense que pour l’instant ce mélange entre les populations ne continue pas en dehors de l’école mais que c’est de toute évidence une étape dans un processus de longue haleine. 

    Je rajoute a cet article une petite video de l'interview de notre "lead teacher" sur une chaine locale, tres tot hier matin.

     


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  • Devant l’insistance générale d’Anne-Sophie toute seule (non, c’est pas vrai hein), je me devais d’en dire un peu plus sur mon métier.  Ceux qui suivent nos aventures en Louisiane savent que je suis chercheur, mais ce que je fais précisément, peu le savent.  Il est vrai que dans la catégorie des boulots « qui ne servent à rien à part dépenser l’argent du contribuable », le métier de chercheur arrive en bonne position dans l’esprit des gens.  « Anne-Sophie, elle, au moins, elle sert à quelque chose » se disent d’ailleurs ces mêmes personnes. Alors en voilà un peu plus sur mon métier, ici en Louisiane.

    Je suis chercheur en Océanographie (vaste domaine) et plus particulièrement spécialiste des peuplements benthiques. Quesako ? J’étudie essentiellement les animaux qui vivent dans le sable ou la vase des mers ou des estuaires, ou sur les estrans rocheux.  J’identifie quelles espèces sont présentes et je regarde surtout qui vit avec qui et qui mange qui.  Pour être plus précis, je travaille actuellement sur un programme qui est financé par la branche du gouvernement américain qui s’occupe de l’exploitation des sols.  Au large de la Louisiane, dans le golfe du Mexique, se trouvent des bancs de sable (les shoals) que le gouvernement voudrait aspirer pour les remettre en partie sur la cote, en espérant la protéger de l’érosion croissante et de l’action des ouragans, très dommageable pour les cotes de Louisiane.  Oui mais voilà, on ne sait pas quelles espèces vivent sur ces bancs de sable et une loi oblige à faire une étude de l’impact qu’aurait un prélèvement massif de sable – on parle de milliards de mètres cubes de sable – sur les animaux qui vivent sur ces bancs de sable.  Après plusieurs missions en mer sur les sites en question pendant lesquelles on utilise des bennes métalliques que l’on fait plonger pour remonter du sable, je sépare, je compte et j’identifie toutes les espèces que l’on trouve dans ces sables.  L’objectif est de savoir si la biodiversité de ce milieu est forte (biodiversité … un mot que Nicolas Hulot sait manier à la perfection) et surtout de savoir si les espèces ou les associations d’espèces sont rares et sont potentiellement menacées par un prélèvement à grande échelle.  En effet, un prélèvement aurait pour but de diminuer la hauteur du banc – donc de changer toute la topographie du milieu – et de transporter à la cote des organismes qui inévitablement ne survivraient pas.  Il faut donc comprendre finalement le ou les rôle(s) de ces bancs dans l’écosystème.  Ces bancs jouent un rôle d’habitat pour des espèces qui viennent s’y protéger des prédateurs ou qui viennent y trouver plus d’oxygène que dans les environs très vaseux et beaucoup plus pauvres en oxygène.  Ces bancs jouent aussi un rôle de cantine pour certaines espèces comme le crabe bleu de Louisiane qui y trouve des coquillages et des vers en profusion.  Enfin ces bancs jouent un rôle dans la reproduction d’espèces qui viennent y pondre  ou dont les jeunes viennent s’y fixer.  Bref, je cherche à comprendre comment tout ce petit monde s’organise, et comment la chaine alimentaire fonctionne pour déterminer les conséquences d’un changement dans ces rouages biologiques.  Bien sur, je travaille avec des collègues qui ont d’autres spécialités, comme des physiciens qui modélisent l’action des vagues sur la coté et le rôle de ces bancs sur l’action des vagues, ou des collègues qui travaillent sur les microalgues et qui regardent si ces bancs, peu profond et qui ont donc plus de lumière, ne sont pas une zone ou les algues ne poussent pas mieux … Et puis il y a les étudiants, qui participent à cet effort de recherche et qui apprennent comment « chercher » et les « student-worker », des étudiants qui viennent faire un stage ou tout simplement préfèrent gagner de l’argent en triant des échantillons de bestioles plutôt que de cuire des ailes de poulet dans le restaurant du coin.

    J’ai l’habitude de dire que « je suis chercheur, pas trouveur », à la question « Mais, est-ce que tu trouves ? ».  Schématiquement, le métier de chercheur, c’est apporter des réponses à une question que l’on s’est posée au départ et en soulever d’autres.  Puis il faut trouver de l’argent pour répondre à ces nouvelles questions.  L’argent est bien sur plus facile à trouver quand il y a des implications industrielles – et donc de l’argent à gagner –  mais les implications écologiques commencent elles aussi à montrer que le cout pour l’humanité sera financièrement très élevé si l’on ne comprend pas tout le fonctionnement des écosystèmes que l’on s’acharne à exploiter.  Le golfe du Mexique est à ce titre un formidable terrain de jeu et j’essaye de contribuer, à ma manière, à la lutte contre l’exploitation des milieux par l’homme et son impact sur l’environnement.

    Voilà, j’espère vous avoir éclairé un peu sur ce que je fais ici en Louisiane, et ce que je fais en général.  Même si je passe beaucoup de temps sur un microscope et que je ne compte pas mes heures, je pense qu’on est loin du formidable sketch des Nuls que je ne résiste pas à vous remettre, histoire de rire encore de ces faignants qui « coutent chers et qui produisent rien » ! 

     


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  • Voici bientôt un mois que  j’ai repris les chemins de l’école, retrouvant ma classe colorée (http://louisianastory.over-blog.com/article-3650228.html) remplie cette année de 23 « kindergarteners » avides d’apprendre.

    Si vous arrivez cette année, que vous venez de démarrer avec le Codofil et que vous êtes sur les rotules, que vous hésitez à repartir par le 1er avion…rassurez-vous. J’étais dans le même état l’an dernier a la même période…Je me souviens des soirées raccourcies pour cause d’endormissement prématuré, des siestes obligatoires a la sortie de l’école (non, pas a 15h30 comme le prétend Stanislas, mais plutôt vers 18h au début…), de mon corps qui ne tenait plus l’alcool, de mon cerveau qui ne pouvait plus réfléchir…

    Et bien cette année…je me dis que ca valait le coup de revenir car tout est beaucoup plus simple ! Mes fiches de prep sont prêtes (il n’y a plus qu’a changer la date), ma classe était hyper bien rangée depuis fin mai alors je retrouve tout d’un seul coup, je suis sure de la discipline que je veux faire régner dans ma classe, je n’ai plus de doute sur le fait que mes élèves comprennent ce que je leur dit, et je quitte l’école a…15h45 (bon la, ca donne raison a Stanislas)…bref jusqu’ici tout va bien.

    Alors si vous avez le moral dans les chaussettes, que vos cernes vous arrivent au milieu des joues, reposez vous bien en ce lundi férié, comptez les semaines jusqu'aux prochaines vacances (11 tout de meme) et pensez que l’an prochain tout sera plus facile !


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  • La saison de football (américain hein … pas le soccer européen) est sur le point de commencer, pour le championnat professionnel comme pour le championnat universitaire.  Le stade de la LSU commence d’ailleurs à bouillir et souffle un peu depuis que Mike VI a investi la cage du campus, redonnant du mordant à tous ceux qui désespéraient de ne pas avoir de remplaçant de feu Mike V pour le début de la saison.  Les commentaires vont bon train et il ne se passe pas une semaine sans que les journaux locaux ne fassent des pronostics sur les chances de victoire de la LSU – toujours bien placée dans le championnat – et commentent le tirage au sort des équipes qu’elle devra affronter.

    Comme vous le savez si vous nous suivez depuis le début, la LSU a ses fans qui se retrouvent avant chaque match pour un barbecue et une Bud Light (ou plusieurs …) à l’arrière de leur pickup ou de leur camping car pour les plus fortunés.  C’est le tailgating.  Pour tous ces fans impatients de voir la saison reprendre, la LSU a organisé, comme tous les ans, un « fan day ». 

    Pendant un après-midi, le stade ouvre ses portes au public.  Les fans, arrivés pour certains tôt le matin, peuvent donc partir à la chasse aux autographes et voir les joueurs et les coachs.  Nous nous sommes glissés dans la foule aux abords du stade pour rentrer dans la peau de vrais Tigers.  Nous avons donc patiemment attendu presque 2 heures sous un soleil de plomb pour rentrer dans la « Death Valley » (nom donné au stade de la LSU, ou les supporters – et les étudiants en particulier – sont réputés pour faire tellement de bruit quand les adversaires attaquent que le quaterback de l’équipe adverse ne peut pas se faire entendre et communiquer les schémas tactiques à ses partenaires).  Nous avons donc foulé la pelouse du stade de 92 000 placeas – plus grand que le stade de France à Paris par exemple – et même pu avoir un autographe du quaterback Matt Flyn que tout le monde dit prometteur, même si celui de la saison dernière, désormais dans le championnat professionnel après avoir fait des miracles, sera regretté.

    L’organisation est, comme toujours aux USA, impeccable.  Tout autour de la pelouse, les joueurs sont dans des stands en fonction de leur position sur le terrain et les fans font la queue en face du panneau pour aller voir leurs joueurs favoris.  Plus vous arrivez tôt, plus vous avez de chance d’avoir plusieurs autographes.  Les vrais fans ont tous acheté un ballon de foot LSU ou une reproduction d’un casque de joueur pour recueillir les signatures, ce qui est certes beaucoup plus sympa que de les faire signer sur le calendrier de la saison.  Nous en avons aussi profité – d’accord… j’en ai profité – pour aller voir les nouvelles cheerleaders, vous savez, celles qui font la pyramide en levant les gambettes sur les bords du stade. A ne pas confondre avec les dancing-girls, beaucoup plus âgées … et plus dénudées … et qui se trémoussent en cœur sur les airs de la fanfare.

    Bref, une saison qui démarre avec peut être en ligne de mire un titre de champion.  De beaux barbecues en perspective quoiqu’il en soit !

     


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  • Devinez qui était en séjour a Bâton Rouge le week end dernier…Non vous ne rêvez pas, c’est bien Dark Vador en personne que nous avons croisé, accompagné de ses troopers, dans les couloirs de l’office de tourisme de la ville.

    Bien décidés à vivre des trucs typiquement américains, nous nous sommes rendus à une convention de science fiction, alléchés par le programme proposé : la présence de stars de séries de SF, des conférences présentées par des universitaires reconnus, une représentation du Rocky horror Picture show et une soirée organisée par le fan club d’Anne Rice dont j’ai lu tous les romans…

    Croiser Dark Vador au détour d’un couloir c’est assez impressionnant, et voir déambuler cinq ou six Chanceliers Gowron, un des personnages de Star Trek, ca a un cote un peu délirant. Les stars « has been » qui signent les autographes pour 20 dollars, par contre, c’est un peu triste…Et malheureusement, le vampire Lestat ne s’est pas montré, ou alors trop tard dans la soirée et nous étions déjà rentrés.

    Le propos de ces fans de SF n’est pas seulement de s’éclater en costume et de se retrouver autour d’une passion commune. Ils espèrent donner aux américains leur rendant visite, la curiosité et le gout pour la science - la vraie- qui est parfois peu ou (très) mal enseignée dans certains états des Etats-Unis. Mais ceci est un autre sujet, que nous développerons sans doute un jour.

    « May the Force be with You » !


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